Bulle-pensée pastichée

Publié le par voyage-mnemosyne

Pastiche aboulique : "honte de l'humanité"...

 

Les femmes sont cruelles, les hommes sont sans coeur : tous ont peur de souffrir.

 

Il faut constamment que l'on soit heureux; la peine est insupportable. Les hommes ont cette sensibilité extrême qui fait qu'ils ne veulent point voir de gens malheureux ; c'est pourquoi on voit les âmes tristes toujours seules.

 

Qui ne sourit pas est malheureux : si bien que les êtres humains sont tous devenus des comprachicos malheureux.

 

La femme sincère attend un prince charmant. Constante, sans trouble, elle vit dans son attente, se l'invente, le cherche en tous les hommes. Celui-là paraît et la voilà qui s'agite et qui aime : son malheur est fait.

 

Les hommes n'aiment que la femme idéale. Toutes les femmes sont leur idéal, ils les aiment toutes; chacune est la plus belle, l'unique, l'âme-soeur. En fait, ils n'en n'aiment aucune.

 

L'amour est naïf : constamment il se croit premier et unique; il est seul au monde et éternel; et il ne dit jamais que trois mots, toujours les mêmes : je t'aime.

 

Un tel est hideux ; tant mieux, il ne pourra que paraître mieux en de certaines occasions. Un tel se trouve disgracieux ; cela n'est guère fâcheux : les autres ont mauvais goût. 

 

Alceste aime Clymène, cela est assuré, il ne veut qu'elle. Mais il veut qu'elle cesse d'être coquette : en un mot, il ne l'aime pas.

 

 

Publié dans bulles-pensées

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
<br /> Désirer être contrarié par un réel non idéal, je n'irais pas jusqu'à là, accepter ce réel, sans doute, tant que cela ne décristallise pas trop l'être aimé.<br /> <br /> <br />
Répondre
V
<br /> <br /> Eh bien je te trouve bien dur ! Me voilà prévenue.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> "Alceste aime Clymène, cela est assuré, il ne veut qu'elle. Mais il veut qu'elle cesse d'être coquette : en un mot, il ne l'aime pas" : je ne partage pas cette opinion, certes lucide, mais<br /> faussement lucide, et préfère une des observations que Valéry fait dans Tel Quel : "Il n'existe pas d'être capable d'aimer un autre être tel qu'il est. On demande des modifications, car on n'aime<br /> jamais qu'un fantôme. Ce qui est réel ne peut être désiré, car il est réel. Je t'adore ... mais ce nez, mais cet habit que vous avez ... Peut-être le comble de l'amour partagé consiste dans la<br /> fureur de se transformer l'un l'autre, de s'embellir l'un l'autre dans un acte qui devient comparable à un acte artiste - et comme celui-ci, qui excite je ne sais quelle source de l'infini<br /> personnel". Si l'amour existe donc, il serait modification perpétuelle du réel au profit de l'imaginaire, intervention active sur les données de la réalité pour créer de l'art et vaincre la<br /> facticité : "il y a ce qu'on a fait de nous, et ce que l'on fait de ce qu'on a fait de nous", autrement dit, notre identité n'est jamais définie une fois pour toutes, et heureusement, sinon il n'y<br /> aurait plus d'art possible ni d'amour.<br /> <br /> <br />
Répondre
V
<br /> <br /> J'aime beaucoup ces observations de Valéry et suis du même avis que ta définition de l'amour-transformation ; de fait, j'avais tenté un jeu de mot un peu raté sur "aimer" au sens de l'amour et<br /> "aimer" au sens d'apprécier, voulant jouer sur le fait qu'Alceste était amoureux de ce qu'il n'aimait pas, soit la coquetterie : je pense en effet qu'il est un exemple sublime de la contradiction<br /> du sentiment amoureux qui fait aimer cela-même qu'on juge détestable, car les jugements et le coeur diffèrent. Ainsi en dépit de la raison qui fait refuser la coquetterie, la raison du sentiment<br /> est tout autre. Je suis fascinée par l'amour insensé qui est amoureux d'une personne qu'on "n'aime pas" par le jugement, ou du moins pas entièrement. De fait, l'amour me semble très<br /> paradoxale : on aime toujours quelqu'un comme s'il était divin, on cherche la divinité derrière tous ses caractères humains pour lui élever des autels desquels aucun défaut, qu'on cherche<br /> pourtant à corriger, ne saurait le détrôner.<br /> <br /> <br /> Toutefois, en contradiction avec Valéry, je ne crois pas que l'amour perde lorsqu'il se porte sur la réalité : " on demande des modifications, car on n'aime jamais qu'un fantôme. Ce qui est réel<br /> ne peut être désiré, car il est réel." désigne un amour idolâtre portant sur une idée mais je crois qu'il y a un second amour derrière cet "amour de fantôme" : un amour qui justement aime être<br /> désarçonné et "déconforté" par la réalité : pire qui désire être contrarié par ce réel non idéal. Il y a un plaisir à voir resurgir la réalité de celui qu'on aime derrière le masque dont on<br /> l'avait doté : on aime le défaut-même qu'on cherche, peut-être, à corriger. Que peut-il y avoir de plus beau quand l'idole devient homme? Qu'il montre un visage qu'on puisse regarder de face,<br /> qu'on puisse haïr parfois et par conséquent aimer? L'idole n'entraîne qu'amour d'adoration, or que justement "ce nez", "cet habit" qui me déplaît, font un surcroît d'amour. Swann trouvait laide<br /> Odette jusqu'à ce qu'elle disparaisse : l'absence lui a montré que ce qui le gênait, par un sentiment contraire, il l'aimait aussi. La Bérénice d'Aurélien chez Aragon avait aussi été trouvée<br /> laide. Je crois qu'il y a un plaisir dans la déception de voir en celui qu'on aime un être qui faillit à être toujours ce "fantôme" parfait qu'on poursuit, comme image projetée de<br /> soi-même : c'est par là où l'autre se montre autre et qu'il se fait aimer.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> "des comprachicos" : je pense à Rimbaud et au bois qui "se trouve violon" ...<br /> <br /> "les hommes n'aiment que la femme idéale. Toutes les femmes sont leur idéal, ils les aiment toutes; chacune est la plus belle, l'unique, l'âme-soeur. En fait, ils n'en n'aiment aucune" : Regard<br /> porté sur Dom Juan et l'obsession du superlatif<br /> <br /> "Un tel est hideux ; tant mieux, il ne pourra que paraître mieux en de certaines occasions. Un tel se trouve disgracieux ; cela n'est guère fâcheux : les autres ont mauvais goût" : un nouveau<br /> caractère de La Buyère !<br /> <br /> <br />
Répondre