Boîte dialogue n°2 (sujet : les souvenirs)

Le sujet entre réalité et imaginaire me tient tout autant à coeur que celui des souvenirs. Qui n'a jamais voulu effacer certains souvenirs et pouvoir en retenir d'autres? Cet aspect de la condition humaine me fascine. Comment ce fait-il que les souvenirs pénibles ne s'oublient jamais? Que tous les souvenirs finissent par se déformer?

 

Finalement, personne n'est sûr de ce qu'il a vécu. Les souvenirs sont déformés par les sentiments et les récits, par les années aussi. La seule qui reste est une sensation, parfois trompeuse. Le sujet du souvenir est inépuisable. Et il mêle le réel et l'imaginaire, puisque chacun se ment pour se cacher la vérité et altérer ce qu'il est ou le monde alentour. Or les souvenirs sont une barrière qui nous empêche de nous refabriquer un passé illusoire. Parfois cela serait mieux, mais d'autres non. Ne perd-on pas sa personnalité si l'on efface le passé?

 

D'un autre côté, les souvenirs peuvent nous ronger et nous torturer. Ils nous transforment. Le passé en soi, n'est rien. Ou plutôt ne serait rien si l'on pouvait l'oublier. Il existerait sur le moment et disparaîtrait. Mais il nous faut vivre avec. Parfois, cela nous change. Des automatismes et des mécanismes de défenses se créent grâce à la mémoire. On peut apprendre de ses erreurs. Le souvenir permet de progresser et de se dépasser.

 

Mais ne nous altère-t-il pas finalement? A force de se raconter ses souvenirs on les change. Et on se change soi-même en voyant partout un souvenir. Le souvenir de ce qu'on était et qu'on est plus empêche d'être pleinement : par exemple, le souvenir de la jeunesse rend la vieillesse douloureuse. Et le néant total de l'enfance empêche de se rappeler de ce qu'on était vraiment. On devient seulement ce dont on se souvient et cela est dommage.

 

Suis-je vraiment quelqu'un de bien parce que je ne me souviens pas des mauvaises actions que j'ai faite?

 

Après tout, ne sommes-nous pas les créateurs, les façonneurs de nos souvenirs? On les invente à notre gré avec des centaine d'impressions et de jugements subjectif. De la vérité, de la réalité, on ne sait jamais rien. On ne se souvient jamais de ce qui a été, seulement de ce que l'on croit. Les souvenirs déforment : une fois trahi par un ami, comment ne pas, par ce souvenir, penser qu'il me trahissait depuis le début? Et comment maintenant ne plus craindre la trahison?

 

Le souvenir est censé nous dire ce que nous sommes mais en réalité, la mémoire est trompeuse. Et chaque fois que l'on cherche à oublier, le veut-on vraiment? Ne serait-ce pas renoncer à notre identité? Mais accepter un souvenir douloureux ou heureux n'est-ce pas refuser de vivre dans le présent?

 

Si Nietzsche préconise l'oublie, faire que rien ne reste ne revient-il pas à tout détruire? Comment construire quelque chose si la vie passe et le souvenir s'efface? N'y a-t-il rien qui puisse rester de nous, du passé? Faut-il que tout coule, comme le dit Héraclite? Faut-il en rire comme Démocrite ou s'en lamenter comme Héraclite?

 

Le souvenir se délite: alors comment se fier à soi-même? Etre sûr de qui l'on est? Si de mon passé je ne me souviens de rien, une angoisse me saisit : ce que je suis en train de vivre s'effacera aussi. Les souvenirs mentent, et c'est je crois, le plus terrible.

 

Un démon en nous les déforme : l'imagination. On ne peut jamais re-présenter le réel une seconde fois, alors nous sommes condamnés à faire des représentations, des imitations, des images aproximatives... Mais quand je me souviens de ma mère, que je m'en souviens si vaguement, que j'ai oublié nos moments ensembles, comment lui rendre à nouveau vie? Elle n'est plus alors autre : elle est devenu moi, une partie de moi. Le souvenir aliène la réalité objective.

 

Rester prisonnier des souvenirs, c'est rester prisonnier de soi, sans jamais s'ouvrir au monde.

 

Mais oublier est vécu comme un crime...

 

Comment peut-on oublier des choses si importantes, des gens si aimés?

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