Bulle-pensée soupirée

Publié le par voyage-mnemosyne

 

 

Il pleure dans mon coeur

Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
 
Pour un coeur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !

Verlaine, Ariettes oubliées, III

 


Pluie mélancolique...

  

La pluie mélancolique frotte les pavés : averse sensible, pluies immaîtrisées et rêves dilués...

 

La pluie chagrine tombe, et tombent encore les doux rires des fresques enfantines, qu'un auteur ivre avait allumées sous la voûte opaline. La pluie tombe et se brise, éclate sur du silence. Que pleuvent ces guirlandes anonymes !  Que pleuvent sur tous les ciels embués nos innombrables yeux voilés et que crève l'aube arrogante sous l'ombre de laquelle nos pieds sont noyés...

 

 La pluie triste bave son coeur jusqu'à nos portes ouvertes; remplit les soirs d'hivers enroués et déverse son bruit blêmi parmi nos malades pensées. La pluie palpite et frémit au-dessus de mon immense parapluie désespéré : se mêlent alors aux accords pluvieux les éclairs de mes cris étouffés. Les gouttes boiteuses passent au travers des visages maquillés et tracent des blessures en papier sur ces masques de poupée. S'essuie même le rouge menteur des lèvres timides, l'or clinquant qu'ont imprimé les années dans leurs yeux indifférents, le blanc narcissique qui recouvre le teint de leur plâtre fissuré; ne reste que des sourires brisés sur leur visage mouillés. Qui à présent ne voit pas que la poupée est abîmée?

 

La pluie acide répand des cheveux limpides au-dessus des gens. Et pleure la Voie lactée! Et pleure l'univers désolé... L'ambre doucement s'éteint au creux de ses mains et je patiente, mon coeur ballotté par le ressac d'un violon vague et lointain, comme l'écho soupiré d'un silence qui meurt; silence mort lentement de l'autre côté. 

 

La pluie cristalline fait alors couler du sang sur mon front morcellé et ce sang coule dans un gémissement satisfait; s'ouvre sur les pantins décolorés, la profonde extase de l'univers maltraité, l'intime confession d'une douloureuse plaie: la pluie gémit et rugit. Et le monde sous ce déluge harmonique disparaît...

 

La pluie albine quitant l'écume des rives que forment les nuages sous le ciel, devient corail et albumine, devient rouge et sang, devient l'aube assassinée sous laquelle tant d'âmes transpirent. Les rêves saignent du haut du ciel; les hommes, cyniques, rient au plus bas de la terre. Mais leur coeur crachent des sanglots ironiques. Mais mon coeur crache des couteaux iniques.

 

La pluie poétique pleurniche quant éclatent à nos pieds tous nos cris en un millier de perles évanouies. Chaque fois, je reconnais parmi ses gouttes éparpillées mes propres sourires fanés, sans pouvoir les rattraper. La pluie perd les larmes qui sont à moi, malheureuse et moqueuse comme moi, qui attend immobile sous ses attaques infantiles, elle est le miroir que je n'ose pas regarder. Elle me montre mes reflets fêlés, fait tinter contre mon coeur la respiration de mon coeur, fait vibrer ma propre âme dans mon âme.

 

La pluie mélancolique s'épuise et s'efface : ses larmes sèchent à l'intérieur de moi... 

 

 

[Pensées en miette] 

Publié dans bulles-pensées

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S
<br /> Les nuages se boivent très tôt. Chaque matin, il pleut dans les tasses un mélange de cumulus et de stratus. On infuse des petits bouts de nuages qui vous laissent sur la langue un goût de vapeur<br /> froide. L'air siffle entre les dents, qui laissent passer tout un ciel brumeux. On assiste à de gazeuses et tristes poursuites : des corps ondoyants entrent en nébulose. Nos atomes volatiles<br /> résistent mal aux forces de l'ennui et des particules pleurent la perte des nuages ... Mais ce n'est qu'un rêve. Un dormeur s'éveille d'un songe comateux. Il voit son reflet projeté sur la vitre de<br /> sa chambre. "Seul...", se dit-il avant de se rendormir, déçu par cette réalité qui rue.<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> J'aime tes réponses-échos à mes ébauches ! J'aime ton style épuré et toujours juste, comme un funanbule sur le fil de la beauté, tu es toujours dans l'équilibre<br /> harmonieux ou disharmonieux de la sublime et odieuse perfection. Entre réel et irréel, tes mots susurrent !<br /> <br /> <br /> <br />